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voir prononcer le mot tout en se gardant bien de le définir et de le faire correspondre à une chose définissable ; cet emploi plaisant du mot « vrai », que nous avons retrouvé si souvent et qui est le signe qu’on n’accepte point la chose que l’on préconise sans doute, mais que l’on ne préconise qu’à la condition qu’elle soit « véritable », c’est-à-dire conforme à notre goût, en telle sorte que tout homme qui vous parle de « vraie » justice, c’est qu’il ne veut point de la justice, et que tout homme qui vous parle de « vraie » liberté, c’est qu’il est despotiste, et que tout homme qui vous parle de « vraie » propriété individuelle, c’est qu’il est collectiviste ; — tout cela évidemment montre surtout l’embarras de Platon dans cette affaire ; embarras qu’avec son eutrapélie habituelle il avoue lui-même ; mais tout cela montre aussi qu’en vérité, il voudrait bien trouver un moyen d’être égalitaire.

Vous avez remarqué cette pensée profonde : « c’est l’égalité qui engendre l’amitié ». Elle est en parfaite contradiction, ce me semble, avec cette autre, toute voisine : « Ce sont les deux extrêmes de l’égalité et de l’inégalité qui remplissent les États de séditions » ; et du reste elle est fausse, et si l’amitié entre inégaux est à peu près impossible, il est vrai aussi que l’amitié entre égaux est parfaitement rare. Cette pensée est donc contredite par