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s’accoutument pour leur bien à la nourriture salutaire et n’aient pas de répugnance pour l’autre ; de même le législateur habile engagera le poète et le contraindra même, s’il le faut, par la rigueur des lois, à exprimer dans des paroles belles et dignes de louange, ainsi que dans ses mesures, ses accords et ses figures, le caractère d’une âme tempérante, forte et vertueuse. »

En un mot, l’art, commue toute chose, devrait être étroitement et sévèrement subordonné à la morale, et le beau n’est pas, comme on l’a fait dire à Platon, et comme il ne l’a jamais dit, et ce serait presque le contraire de sa pensée, la splendeur du vrai ; mais le beau est la splendeur du bien ; et c’est, pour parler simplement, le bien présenté avec agrément.

Et cette théorie est si éloignée de celle des poètes grecs, elle est tellement ignorée d’eux, et quand elle est mise en pratique par eux c’est tellement par hasard, qu’il n’est pas très étonnant que Platon ait vu dans les poètes et les artistes grecs des gens qui lui échappaient, ce qui mène toujours à voir en gens de cette sorte des ennemis, des adversaires ou au moins des forces hostiles, ou au moins des obstacles.