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femmes, à tout le peuple, et que sur les mêmes objets vous leur débitiez des maximes qui, bien loin d’être les nôtres, leur seront presque toujours entièrement opposées. Ce serait une extravagance extrême de notre part et de la part de tout État de vous accorder une semblable permission avant que les magistrats aient examiné si ce que vos pièces contiennent est bon et convenable à dire en public ou s’il ne l’est pas. Ainsi, enfants et nourrissons des muses voluptueuses, commencez par montrer vos chants aux magistrats afin qu’ils les comparent avec les nôtres, et s’ils jugent que vous disiez les mêmes choses ou de meilleures, nous vous permettrons de représenter vos pièces ; sinon, mes chers amis, nous ne saurions vous admettre… »

Et cette comparaison, ce parallèle entre les magistrats et, les poètes, cette rivalité et cette concurrence n’est pas une simple hypothèse ou un jeu d’esprit. Il existe un lieu dans le monde, où ce ne sont point tant les lois qui règnent, ni les magistrats qui gouvernent que ce ne sont les gens de théâtre qui régissent l’État. Ce lieu s’appelle Athènes. Musiciens et dramatistes ont rivalisé, d’une part, à s’affranchir des traditions et bonnes règles d’autrefois, d’autre part ils ont prétendu que le plaisir que causaient leurs œuvres était la règle