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imite ce qui est déjà imité et qui est comme l’ombre d’une ombre ! Il existe un objet idéal, l’objet en soi, l’œuvre de Dieu. Cet objet, l’artisan l’imite. Il fait par exemple une armure, un char, un lit qui ne sont que les imitations imparfaites des idées divines de ces objets ; et ce sont ces imitations imparfaites que le poète à son tour imite, dont il donne, par ses descriptions, comme une espèce de reflet incomplet et plus imparfait. Peut-il y avoir quelque chose de plus vain a priori et comme par définition ?

« Nous donnerons à Dieu le titre de producteur ; au menuisier le titre d’ouvrier, au peintre quel nom ? Ni celui de producteur, ni celui d’ouvrier ; mais sans doute celui d’imitateur de l’ouvrier. L’imitateur est donc l’auteur d’une œuvre éloignée de la nature de trois degrés. Ainsi, par exemple, le faiseur de tragédies, en qualité d’imitateur, est éloigné de trois degrés de la vérité ; et il en est de même de tous les autres artistes-imitateurs. »

C’est surtout, comme on le voit déjà par le passage précédent, le poète dramatique que Platon poursuit de ce genre de sarcasmes et de démonstrations. Le poète dramatique surtout est un « faiseur de fantômes » qui ne connaît pas la réalité des objets, mais seulement leur apparence. Voyez un peu. En chaque chose il y a trois arts :