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lai aux poètes, tant à ceux qui font des tragédies qu’aux poètes dithyrambiques et autres, ne doutant point que je ne me prisse là en flagrant délit, en me trouvant beaucoup plus ignorant qu’eux. Là, prenant ceux de leurs ouvrages qui me paraissaient les plus travaillés, je leur demandais ce qu’ils voulaient dire et quel était leur dessein, comme pour m’instruire moi-même. J’ai honte, Athéniens, de vous dire la vérité, mais il faut pourtant vous la dire : il n’y avait pas un seul des hommes qui étaient là présents qui ne fût plus capable de parler et de rendre raison de leurs poèmes qu’eux-mêmes qui les avaient faits. Je connus tout de suite que les poètes ne sont point guidés par la sagesse, mais par certains mouvements de la nature et par un enthousiasme semblable à celui des prophètes et des devins, qui disent de fort belles choses sans rien comprendre à ce qu’ils disent. Les poètes me parurent dans le même cas et je m’aperçus en même temps qu’à cause de leur faculté poétique, ils se croyaient les plus sages des hommes dans toutes les autres choses, bien qu’ils n’y entendissent rien. »

Quelle « vanité » du reste, comme dira plus tard Pascal, quelle inanité et quelle insignifiance que cet art tout d’imitation, qui arrive au troisième degré pour ainsi dire de l’imitation, qui