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mais si de faire gouverner un État par les Lois, est une chose raisonnable.

Quoi qu’il en soit, Platon doute beaucoup que ce soit très raisonnable de faire gouverner un État par des lois fixes, arrêtées, anciennes et qui ne changent point tous les jours. En effet, si les lois faites au jour le jour sont tyranniques et ne peuvent même mériter le nom de lois, les lois anciennes et fixées, les lois inamovibles, ont ceci contre elles qu’elles sont quelque chose d’inflexible qui se propose de régler l’activité souple et variée et variable des hommes ; qu’elles sont quelque chose d’un qui se propose dérégler le multiple ; qu’elles sont quelque chose d’identique à soi qui se propose de régler le changeant ; et enfin quelque chose de mort qui se flatte de régler et de gouverner la vie.

C’est absolument irrationnel, et c’est même comique. Figurez-vous un maître de gymnase ou un médecin qui part pour un voyage et qui laisse à ses élèves ou à ses malades ses instructions écrites ; puis qui revient et qui se croit obligé à ne pas s’écarter des instructions écrites qu’il a laissées et à abdiquer devant elles et qui préfère cette règle insensible et presque aveugle à sa propre intelligence, à son diagnostic ou à son observation, à ce qui lui permettrait de varier ses instructions