Page:Faguet - Pour qu’on lise Platon, Boivin.djvu/19

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui aurait pris un plaisir de contradiction contre lui-même à prêcher Socrate, étant né Nietzsche, et à mettre toutes les ressources d’un Nietzsche, du reste supérieur, à prouver Socrate, d’ailleurs en l’altérant, mais encore en l’imposant à ses contemporains et à lui-même, bon gré mal gré qu’ils en eussent et bon gré mal gré qu’en une région de son for intérieur il en eût lui-même.

C’est au moins très curieux, et comme c’est moitié tour de force, moitié conviction, ou, si l’on veut et c’est mon avis, trois quarts conviction, quart gageure et tout d’artiste, c’est à la fois très sain et un peu pervers ; et donc c’est à la fois un ambigu plein de ragoût et un très bon aliment de l’esprit.

Il me semble que, pour le lire avec fruit, il faut ne pas s’attarder trop à tout son fatras de dialectique, de maïeutique et de polémique ; le lire posément et tranquillement, sans le discuter aussi minutieusement et pointilleusement qu’il discute lui-même ; recevoir l’impression générale de chaque dialogue, qui, tout compte fait, est souvent très forte ; se faire ainsi un système platonicien très simple et à grandes lignes, en transformant en lignes droites ses lignes sinueuses et ses zigzags ; contrôler et vérifier ce système ainsi obtenu sur les passages les plus élevés de tous et les plus affirmatifs que nous offre le