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fait une rencontre très curieuse et originale. L’homme qui, parce qu’il était athénien, poète, artiste et orateur, était peu destiné à être moraliste, s’enivre de la parole de Socrate, strictement et uniquement moraliste et ramenant tout à la morale. Il en résulte un moraliste très convaincu, passionnément convaincu, mais qui n’a du moraliste que le fond, si je puis dire ainsi, qui n’en a pas l’air, qui n’en a pas les enveloppes et les surfaces ordinaires, qui n’est ni austère, ni pédantesque, ni grave, ni ennuyeux, qui mène à la morale (et même au sacrifice de tout à la morale) par les chemins qui d’ordinaire sont plutôt pour en détourner ; par des conversations abandonnées, des propos souriants, des discussions brillantes, des joutes, des passes d’armes, des rêves, des tableaux, des mythes, des fables, des romans, des citations de poètes, des descriptions voluptueuses, des propos de dilettante et de sceptique. Renan, en petit, car relativement à Platon, Renan est petit, fait songer à lui. Il est l’homme, ce qui à certains égards et tout respect gardé, est un mérite appréciable, qui ressemble le moins à Kant. On peut, sans forcer le trait et sans trop s’alourdir sur cette idée, se le figurer comme un Nietzsche qui n’aurait pas voulu s’insurger contre Socrate et qui aurait fait la gageure d’être socratique, étant né Nietzsche ; ou