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puisse être continu. S’il était continu, il ne serait pas senti et par conséquent il ne serait le plaisir en aucune façon. Le plaisir est une trêve et c’est en tant que trêve qu’il est plaisir ; continu il serait une paix et une paix qui aurait toujours duré. Or qui prendrait plaisir à une paix qui aurait toujours duré, de telle sorte qu’on n’aurait pas même l’idée de la guerre ?

Donc qui dit que les dieux goûtent un plaisir éternel dit un non-sens, une chose qui n’a aucune signification, ou, en d’autres termes, en disant que les dieux ont un plaisir éternel, il dit, sans le savoir, qu’ils n’ont absolument aucun plaisir.

Celui-là donc qui veut vivre la vie divine, c’est-à-dire ressembler aux dieux le plus possible, il a précisément pour première démarche à faire de se placer par delà le plaisir et de le laisser en arrière et d’en laisser l’idée en arrière comme négligeable et comme ne devant pas entrer en ligne de compte. Il a pour première démarche à faire, non seulement de ne pas confondre le plaisir avec le bien, mais de se dire et de croire qu’il n’y a entre le plaisir et le bien aucun rapport.

Le but de la vie du sage sera donc le bien et non pas le plaisir, et toute la morale c’est marcher vers le bien.

Mais qu’est-ce que le bien ? Le bien, ce nous