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france même que nous le trouvons, et si nous ne souffrions pas, nous ne jouirions nullement. Combinaison absolue.

Donc, ce nous semble, dans les plaisirs bas : voisinage immédiat de la souffrance, puisque le plaisir en naît ; dans les plaisirs nobles : mélange de souffrance et de plaisir ; dans le plaisir sublime : identité de la souffrance et du plaisir. Souffrance partout.

On pourrait presque dire que le plaisir est le nom que la douleur a pris pour se faire agréer de nous ou qu’elle prend quand elle se déguise Le plaisir est moins un divertissement de la douleur qu’un travestissement de la douleur. Et c’est peut-être pour cela qu’il est si naturel à l’homme de chercher le plaisir et de s’abandonner au désir qu’il en a. Il cède à sa nature même sans le savoir et il acquiesce à sa loi sans croire qu’il s’y conforme. La loi de l’homme est d’être malheureux : en cherchant le plaisir, qui est toujours précédé, mêlé ou suivi de souffrance, il prend le chemin direct du malheur, qui est précisément celui qu’il faut qu’il suive. Il se range sans le savoir à l’ordre universel.

Si l’homme qui ne cherche que le plaisir est paradoxal, c’est précisément à cause de cela. C’est qu’il veut éviter le malheur, auquel il est très