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sont toujours accompagnés de quelques peines et que la limite entre la peine et le plaisir est la chose du monde la plus insaisissable. Reprenons, si vous voulez, l’énumération et la classification précédente. Il y a des plaisirs qui naissent de besoins qui sont des souffrances. Sur ceux-ci la thèse de nos adversaires de tout à l’heure est tout simplement juste. Un plaisir de ce genre n’est pas un plaisir. C’est une véritable impropriété de langage que de l’appeler ainsi. Il faudrait l’appeler une souffrance qui cesse. Nous ne nions point qu’une souffrance qui cesse soit agréable ; nous disons seulement qu’on ne peut pas prendre comme vrai bien et comme but de la vie une souffrance qui cesse. Quelque chose de plus positif est réclamé par l’aspiration au bien, par cette aspiration au bien que nous tentons au fond de nous.

Si nous songeons aux plaisirs qui ne naissent pas d’un besoin proprement dit, d’un besoin violent ou vif, mais d’une simple tendance de notre nature et qui par conséquent ne naissent pas d’une souffrance, — plaisirs esthétiques, plaisirs moraux, — nous nous élevons certainement d’un degré, et précisément c’est une hiérarchie des plaisirs que nous traçons en ce moment ; mais nous constatons encore que, s’ils ne naissent pas d’une souffrance, ils sont toujours mêlés d’une souffrance. Ils sont