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le bonheur fût précisément en elle ? Est-il bien vrai qu’en effet il y soit ? Renan a dit bien joliment : « Laissez donc ! Si la vertu était un bon placement, il y a longtemps que les banquiers s’en seraient aperçus. »

Si l’on me pousse ainsi, répondrait Platon, j’irai plus loin d’un pas et je dirai que, fût-il faux que l’intérêt bien entendu se confonde avec la vertu dans le courant des choses humaines, cela redevient vrai pour ainsi parler à une plus grande profondeur, à pousser plus avant. Le vertueux ne réussit point ; je l’accorde ; il ne réussit jamais, je le veux si on le veut ; mais, encore qu’il ne réussisse point, et même à ne point réussir, il trouve, dans sa conscience satisfaite, dans son légitime orgueil satisfait et couronné, de telles joies, si absolument incomparables à celles des hommes qui réussissent, qu’il est, à dire le vrai, l’homme le plus heureux de ce monde.

L’homme qui a été le plus heureux ici-bas, qui a joui le plus pleinement de sa supériorité, de sa royauté, comme diront très bien les Stoïciens, dont il est l’ancêtre, c’est Socrate, et la manière et le ton dont il a présenté son apologie le disent assez clairement.

Donc l’homme qui saurait cela, qui saurait vraiment et pleinement tout cela, qui connaîtrait la