Page:Faguet - Pour qu’on lise Platon, Boivin.djvu/119

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pas courir le risque, toujours imminent, d’être un malhonnête homme. Seulement il faut y croire d’une certaine façon et l’imaginer d’une certaine manière pour ne pas retomber dans le même risque.

Il y va de la morale — et voyez déjà comme Platon bâtit toute sa métaphysique les yeux fixés sur la morale et prend en quelque sorte sur la morale les mesures de sa métaphysique — il y va de la morale que l’on croie à la Divinité d’une certaine manière et non pas d’une autre.

On peut se figurer Dieu ainsi qu’il suit. Il y a dans l’univers du nécessaire et du divin : du nécessaire à quoi Dieu lui-même ne peut pas se dérober, du divin qui est l’œuvre même de Dieu. Dieu n’est pas tout-puissant. Il est extrêmement puissant, et rien de plus. Il a fait ou plutôt organisé le monde aussi bon qu’il pouvait le faire ; mais il ne pouvait pas le faire absolument bon et absolument parfait : « Disons pour quel motif l’ordonnateur de tout cet univers l’a ordonné. Il était bon ; et celui qui est bon ne saurait éprouver aucune espèce d’envie. » Et ce sont les poètes à imagination sombre qui ont inventé la Némésis. « Exempt d’un pareil sentiment, Dieu a voulu que toutes choses fussent le plus possible semblables à lui-même. Quiconque, instruit par des hommes sages, admet-