Page:Faguet - Pour qu’on lise Platon, Boivin.djvu/115

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

permet de n’être plus seul, ce qui est la chose du monde qui l’attriste le plus. La religion c’est : « Dieu vous regarde », et la métaphysique c’est : « regardez le monde » ; et sans doute ce n’est pas tout à fait la même chose ; mais il ne s’en faut pas d’autant qu’on pourrait croire, et à regarder le monde l’homme ne peut pas s’empêcher de croire qu’il en est regardé aussi et comme embrassé ; et son sentiment de solitude en diminue.

En ceci encore la métaphysique fait office de religion.

Or Platon, qui voulait détruire le polythéisme, ne voulait point du tout en supprimer les bons effets possibles. Il savait qu’on ne détruit bien que ce que l’on remplace, et c’était une sorte de religion nouvelle qu’il apportait et qu’il proposait au monde grec. Il lui proposait une métaphysique qui pût remplacer auprès de lui la religion et rendre les services spirituels que celle-ci avait rendus ou cru rendre, sans le mélange d’erreurs rationnelles et d’erreurs morales qu’elle contenait ou qu’elle traînait après elle. Grec lui-même, Platon ne pouvait guère imaginer, concevoir, penser autrement ; et il fut métaphysicien, jusqu’à en être théologien, tout autant pour sa propre satisfaction d’esprit que pour s’accommoder à l’esprit de ses concitoyens, et tout autant pour ces deux raisons