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milieu, c’est une moralité et une morale ; et que ceci donne cela, rien n’est plus douteux ; mais il y peut contribuer et, tout compte fait, le philosophe ne peut faire autre chose pour essayer de rendre une moralité à un peuple que de lui prêcher une morale.

Moralisons donc et par l’exemple et par la doctrine. C’est ce qu’a fait Socrate, et il n’y a meilleur conseil à suivre en cette ville et du reste en ce monde que d’imiter Socrate. Il faudrait écrire une Imitation de Socrate en autant de volumes qu’il sera nécessaire ou expédient.

Socrate, du reste, avait ses défauts. Il était trop satirique, trop ironique, trop sardonique et trop amoureux de l’attitude de gageure ou de défi. Ce sont choses à conserver, comme sel et ragoût, mais à atténuer et embellir de bonne grâce. De plus, il n’avait aucun système, de quoi d’aucuns pourront le louer, mais ce qui ne manque jamais de donner à une discipline philosophique quelque chose de négatif. Il disait trop : « Vous ne savez rien — ni moi non plus. » À quoi l’on pouvait répondre : « Donc taisons nous — et vous aussi. » Il est bon d’affirmer quelque chose et de dire : « je sais », sans prétendre, du reste, tout savoir. Mais savoir quelque chose, seulement quelque chose, c’est déjà systématiser.