Page:Faguet - Le Libéralisme.djvu/90

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avec du génie, on n’arrive à rien ! Donc trois classes : l’une composée des hommes qui ont de l’argent ; l’autre composée des hommes qui ont de l’instruction et qui peuvent, grâce à elle, ou gagner de l’argent ou être placés dans l’état-major de la nation ; la troisième composée de ceux qui n’ont ni instruction ni argent. Et qui décide que ceux-ci seront dans l’une des deux premières et ceux-là dans la troisième ? Le hasard de la naissance. Voilà la société égalitaire qu’ont imaginée les Conventionnels, voilà l’égalité qu’ils ont rêvée !

Notez même, si vous voulez, que leur égalité devant la loi et leur égalité d’admissibilité aux emplois publics, que même cela, si peu de chose, est un leurre. Car il tombe sous le sens que l’homme riche, mieux conseillé et mieux défendu, parce qu’il paye, est peut-être l’égal du pauvre hère devant la loi, mais ne l’est pas du tout devant le tribunal. Car, aussi, il tombe sous le sens que l’homme riche fera bien plus facilement entrer son fils dans les emplois publics, d’abord en lui donnant des talents, car cela s’achète, ensuite en profitant de sa situation dans le monde. Si je suis professeur à la Sorbonne, ce n’est pas du tout à mes vertus que je le dois, ni à mes talents ; je le suis parce que mon père m’a fait élever soigneusement, ayant de l’argent. — Il n’en avait guère. — Soit ; mais la différence est mille fois plus grande entre l’homme qui a un peu d’argent et l’homme qui n’a