Page:Faguet - Le Libéralisme.djvu/83

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

prétendrait m’obliger à chasser ? Je n’aime pas la chasse ; j’ai horreur de tuer de petites bêtes qui ne me gênent pas. « Mon ami, vous chasserez, parce que je le veux. » C’est une tyrannie épouvantable. C’est précisément cette tyrannie que le gouvernement exerce sur moi quand il fait de moi un soldat. Il me faut porter un fusil, marcher à raison de quarante kilomètres par jour et chasser à l’homme, moi qui ai le droit d’être disciple de Jésus et d’avoir pour principe : « Tu ne tueras pas. » Il n’y a pas de violation plus radicale de la liberté individuelle, de la liberté politique et de tous les droits de l’homme. Ceux des radicaux à qui l’idée de patrie est indifférente ont parfaitement raison de vouloir l’abolition de l’armée.

Je suis, quoique libéral assez radical, pour son maintien, parce que je suis pour le maintien de la patrie. C’est ici que l’on voit l’application des principes que j’ai posés au début de ce livre. Quels droits à l’Etat ? Tous. Quels droits doit-il exercer ? Ceux-là, exclusivement, qui lui sont nécessaires pour l’ordre matériel à l’intérieur et pour la défense contre l’étranger. C’est là sa « sphère » ; mais, comme dit très bien Constant, « s’il ne doit avoir aucun pouvoir hors de sa sphère, dans sa sphère il n’en saurait trop avoir ». On doit donc lui accorder pour la défense du pays tous les droits, s’il les lui faut, c’est-à-dire le droit de violer exactement tous les miens. En fait de défense nationale l’Etat