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fâché, d’autre part, d’appartenir au parti qui aurait la majorité : on se dit qu’on est l’Etat, qu’on est la République, qu’on est le pays ; que les autres ne sont que des émigrés à l’intérieur, eu plutôt qu’ils sont une quantité négligeable et méprisable ; qu’ils ne sont rien du tout ; c’est très savoureux ; — je ne serais pas fâché de faire des lois contre tous ceux qui me déplairaient et de déclarer, et dans la loi, qu’il n’y a pas de liberté ni de droit commun pour celui de mes compatriotes, quel qu’il soit d’ailleurs, qui n’a pas la même opinion que moi sur la Révolution française ou sur l’immortalité de l’âme ; — je ne serais pas fâché de prendre ma part des places et faveurs dont dispose le gouvernement et d’en distribuer leur part, largement mesurée, à mes amis, politiques et autres, à charge de me revaloir cela comme bons électeurs. J’aimerais assez tout cela.

Mais il s’agit de savoir si tout cela est de mon intérêt, c’est-à-dire de l’intérêt général ; car il n’y a de véritable intérêt pour chacun, il n’y a d’intérêt permanent, durable, solide et en définitive réel pour chacun, que l’intérêt général. Or j’ai cru démontrer, et l’histoire, tant ancienne que moderne, et les faits les plus éloignés et les plus récents le démontrent beaucoup mieux que moi, que le despotisme ruine très rapidement les peuples, les mène très vite à un état de langueur et de dépé-