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même Etat, ensuite, et c’est le plus important, faire qu’ils aiment l’Etat, pour que l’Etat soit fort, puisque l’Etat n’est fort que quand il est aimé ? voilà le problème. Il est évident que ce ne peut pas être de la même façon que dans l’Etat antique.

« Mais si ! répond quelqu’un, M. Hervieu par exemple, s’il fut sérieux dans le propos de lui que nous avons rapporté. Mais si ! que l’Etat nous force à tous penser comme lui. » — Il faut bien reconnaître cependant qu’il y aurait quelque difficulté à cela et que, par exemple, depuis trois cents ans l’Etat français s’épuise un peu à vouloir successivement rendre tous les Français catholiques, puis tous les Français déistes, puis tous les Français protestants ou libres penseurs ; qu’il s’épuise un peu à vouloir successivement que tous les Français soient royalistes, puis républicains, puis bonapartistes, puis royalistes, puis royalistes parlementaires, puis républicains, puis bonapartistes, et ainsi de suite, sans atteindre jamais un autre résultat que d’avoir pour lui la moitié du pays et contre lui l’autre moitié. Apprendre ou forcer les gens à être d’accord avec vous ou même entre eux n’est plus désormais très facile, et il est à peu près prouvé que cela ne dépend ni d’une école philosophique, ni d’une Eglise, ni même d’un gouvernement, si fort ou si prestigieux qu’on le suppose.

À ce jeu ou à ce bel effort on ne réussit qu’à rendre le gouvernement odieux à la moitié au