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citoyens, pour qu’il soit aimé, et il n’est fort, et il n’est actif, il n’est fécond, il n’est valide, il ne peut faire quelque chose, je dirai très exactement : il n’est réel, il n’est, que s’il est aimé.

Je dis que les libertés sont nécessaires à l’Etat en tant que nécessaires à l’individu, l’Etat ayant besoin de citoyens libres. En effet, il n’y a pas d’illusion plus saugrenue et plus stupide que celle qui consiste à croire que plus le citoyen est étroitement enchaîné à l’Etat, plus il lui est utile. C’est l’illusion à très peu près de tous les gouvernements ; mais c’est une ânerie. Au fond, le gouvernement voudrait que tous les citoyens fussent fonctionnaires du gouvernement. A la mollesse, à la nonchalance, à l’activité endormie, au petit train-train régulier et inoffensif, mais infécond, de l’immense majorité de ses fonctionnaires, l’Etat ne devrait-il pas s’apercevoir qu’il raisonne au rebours de la vérité ? Le citoyen utile, c’est le citoyen qui donne à l’Etat ce dont l’Etat a besoin, soit comme argent, soit comme services, et qui, en dehors de cela, se développe largement, énergiquement, puissamment, selon sa nature et selon sa loi, qui cherche, qui invente, qui découvre, qui s’applique à l’industrie, au commerce, à l’agriculture, à l’enseignement tel qu’il l’entend, à la recherche scientifique, philosophique, morale, religieuse, telle qu’il l’entend, qui s’associe pour une œuvre nouvelle, fausse peut-être, vraie et bonne peut-être ; qui