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fassent un jour. La liberté de la pensée, la liberté de la parole, la liberté de la presse sont inconciliables avec l’égalité, à moins qu’elles soient sans effets. Or elles ne sont jamais sans effets que quand elles sont exercées par des sous-médiocres. Un César ou un égalitaire qui serait un peu goguenard dirait avec beaucoup de raison : « Liberté de la parole, liberté de la presse ; mais oui. Je les accorderais volontiers aux imbéciles. Les autres, c’est une autre affaire. » En soi, les libertés intellectuelles sont indifférentes à l’égalité. Dès qu’elles sont actives, elles lui sont contraires et elles lui sont odieuses.

Il n’y a qu’une liberté, une seule, qui puisse s’accommodera l’égalité et dont l’égalité puisse s’accommoder ; c’est la liberté strictement individuelle ; c’est la liberté d’aller et de venir, de vivre à sa guise, de se loger comme l’on veut et d’être maître chez soi comme le charbonnier. De ceux qui en usent et qui n’usent que de celle-là je dirai ce que je disais du penseur isolé : ils ne sont pas odieux à l’égalité parce qu’ils lui ressemblent. Ils sont, comme les égalitaires, des individus dissociés, non associés et qui ne veulent pas être associés. Ils sont les hommes selon le cœur des égalitaires. Il n’y a pas à dire le contraire : l’égalité fait assez bon visage à la liberté individuelle.

Et encore ! De celle-là comme des libertés intellectuelles, et pour les mêmes raisons, l’égalité permet