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s’effondrent dans leur impuissance. S’ils sont aristocratie ouverte, la brèche s’élargit peu à peu et assez vite, la démocratie les envahit, l’aristocratie devient quasi démocratie — c’est ce qu’elle était à Rome du temps de Marius — et l’élément démocratique détruit les restes de la citadelle où il a pénétré.

Ce n’est que dans la période intermédiaire, celle où l’aristocratie n’est qu’entr’ouverte, qu’elle peut faire, et à la condition d’être intelligente et généreuse, de bonnes et grandes choses. Ce temps est en général assez court.

Quelle qu’elle soit, l’aristocratie est peu favorable à la liberté. Chez nous, par exemple, de 1815 à 1848, elle a gouverné sagement, prudemment, avec économie et adresse ; donnant à la France un bon régime financier ; elle s’est fait regretter, et personne plus que moi ne respecte et ne comprend ces regrets ; mais elle a eu terreur et horreur de la liberté. À ce point de vue elle ne différait point du tout de Napoléon 1er, dans le lit de qui, soit Restauration soit gouvernement de Juillet, elle s’était couchée. Elle n’a admis, malgré certaines promesses des chartes, ni liberté de pensée, ni liberté de parole, ni liberté de réunion, ni liberté religieuse, ni liberté d’enseignement, sinon dans une mesure si restreinte et avec de telles entraves que ce n’étaient point des libertés, et de si mauvaise grâce encore qu’on ne peut vraiment ni l’incriminer sur son libéralisme, ni l’en louer.