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pensée sur le gouvernement est un homme qui fait des scènes à la société. Il ne tuera pas ; du moins ce sera très exceptionnel. L’assassinat politique était la règle dans les petites « tyrannies » antiques. Pourquoi ? Parce que toute liberté de parole et d’écriture y était proscrite et inconnue. De nos jours on tue encore de temps en temps, parce que l’homme est un être naturellement homicide. Mais remarquez-vous que les hommes qui tuent ne sont jamais des orateurs ni des écrivains ? Ce sont des hommes à qui l’infirmité de leur cerveau impose précisément cette contrainte que le despotisme impose à tout le monde. Elle les met dans l’impossibilité d’exprimer, d’exhaler, de libérer leur pensée, et par conséquent de se débarrasser de l’obsession dont elle les tourmente.

Il est donc très dangereux, en mettant tout le monde dans cette même contrainte, de risquer de faire de tous les citoyens des aliénés. Le despotisme peut avoir ses bons côtés ; mais il est un bouillon de culture de l’aliénation mentale, ce à quoi je ne vois pas que l’Etat ait quelque avantage.

Je sais bien, ayant commencée par le dire, que la pensée exprimée, aussi, rencontrantla contradiction, peut s’aigrir ; mais il me semble qu’elle ne s’aigrit pas de la même façon. Elle s’exalte plutôt qu’elle ne s’aigrit ; elle ne se tourne pas du côté de l’action ; elle se tourne à se répéter elle-même indéfiniment, avec variété, si elle peut, avec un redoublement de