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LES CONTES DE NOS PÈRES.

— Peu de chose… Le château de Lern et le Val appartiendront après vous à ce damoisel…, qui est beau et de noble mine, par Jacob !… je veux dire par saint Corentin !

— C’est vrai… Après ?

— Vous n’avez point d’autre héritier ?

— Cela est encore vrai… Où en veux-tu venir ?

— Monseigneur, vous plairait-il me vendre votre châtellenie de Lern avec le Val, pour vingt mille écus d’or.

Gérard recula de trois pas et leva son lourd gantelet de fer qui eût brisé le crâne de maître Pointel aussi aisément qu’une noix.

— Oses-tu bien me proposer de déshériter mon fils Addel ! s’écria-t-il en fronçant terriblement ses sourcils.

— Du tout, point, monseigneur… À Dieu ne plaise que je veuille aucun mal à ce gentil damoisel… Seulement Lern me plaît, le Val aussi : et si vous avez désir d’aller en terre sainte, il vous faudra subir mes conditions.

— Lern, mon voisin et ami, demanda Malgagnes, veux-tu que je lance ce fils de Satan dans la rivière ?

C’était en vérité chose faisable : l’Ille coulait sous les fenêtres. Heureusement pour maître Pointel, Hervé de Lohéac s’interposa.

— Messieurs mes voisins et amis, dit-il, un meurtre serait une méchante préparation à notre pieux voyage. Tâchons de ramener cet homme à des sentiments meilleurs… Maître, as-tu dit ton dernier mot ?

— Je ne dis jamais mon dernier mot, monseigneur… Discutons… Ce gentil damoisel va-t-il, lui aussi, en Palestine ?

— Sans doute, répondit Gérard ; il mourrait de déplaisir