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LE VAL-AUX-FÉES.

Hervé de Lohéac répéta froidement sa question.

— Quarante mille écus ! répéta de son côté Lucifer ; — Dieu d’Abraham… c’est à-dire par le saint nom du Christ ! je vous jure, mes bons seigneurs, que ma pauvre escarcelle n’est point assez large pour contenir le quart de cet immense trésor.

Martin Mortemer de Mauron fronça le sourcil ; Gérard Lesnemellec toucha la poignée de sa dague ; Yves Malgagnes grommela force malédictions. Quant au jeune Addel, son esprit et son cœur étaient auprès de la belle fille qui tenait un luth dans sa blanche main, et dont la bouche rose lui avait donné un sourire.

— Maître, reprit Hervé de Lohéac d’une voix ferme et grave, je veux croire que les bruits qui courent sur ton compte sont des calomnies.

— Vous en pouvez faire serment, monseigneur.

— Tu es un bon chrétien…

— Un chrétien fervent et sincère, par la verge d’Aaron !… je veux dire par les saints apôtres !

— Donc, poursuivit Lohéac, tu ne peux point refuser de nous venir en aide… Ces quarante mille écus doivent nous servir à gagner la Palestine, où nous mesurerons nos lances contre les esclaves du démon.

— Mais je suis un pauvre homme.

— Misérable chien ! s’écria Malgagnes à bout de patience.

Gérard Lesnemellec tira sa dague ; Martin de Mauron fit le geste de prendre Lucifer à la gorge. — Addel ne voyait rien de tout cela.

— Qu’elle est belle ! se disait-il ; que ses cheveux sont noirs et doux ! que d’enchantements il y a dans son sourire !…

— Mes bons seigneurs, ayez pitié de votre humble servi-