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LE PETIT GARS.

— Ça, c’est la vérité, monsieur le marquis.

— Et si j’avais été, par hasard, entre ton pistolet et la lampe ?

— Dame ! monsieur le marquis.

— Qu’aurais-tu fait ?

— M’est avis que je vous aurais dit : Rangez-vous !

— Je suis sourd, je n’aurais pas entendu.

— C’est tout de même vrai, murmura Janet.

— Eh bien, demanda encore M. de Graives, qu’aurais-tu fait ?

— Dame ! monsieur le marquis, la pauvre jeune dame était là, par terre ; et le petit monsieur pleurait…

— Enfin, qu’aurais-tu fait ?

Janet Legoff releva tout à coup son regard, et dit d’une voix basse, mais ferme :

— Sauf votre respect, monsieur le marquis, m’est avis que je vous aurais tué.

Les bonnes gens de Cournon disent, aux veillées, que le vieux seigneur sourit, et qu’il fit don au Petit Gars d’une belle paire de pistolets.

Toujours est-il que ce fut là le premier exploit de Janet Legoff. Plus tard, il fit mieux encore. Son nom, qui devint célèbre dans les grandes landes de l’Ille-et-Vilaine, et dans les forêts du pays de Rieux, reviendra sans doute plus d’une fois sous notre plume, car il y a maints drames romanesques ou terribles dans la vie guerrière du Petit Gars, telle que la racontent les bonnes gens de la paroisse de Cournon, en rôtissant leurs châtaignes sous la cendre.