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LE PETIT GARS.

voir s’ouvrir et donner passage à un vieillard débile qui se laisserait dépouiller et assassiner sans résistance.

La porte ne s’ouvrit point, mais, tandis que nos deux champions gardaient obstinément l’affût, les basses branches des arbres s’agitèrent légèrement, et un pas, bondissant et vif comme celui d’un chevreuil, se fit entendre sous le couvert : le citoyen Berlin se croyait seul, le citoyen Thomas aussi. Tous deux dressèrent l’oreille, et cherchèrent à percer de l’œil l’épaisseur du fourré. — Ils ne virent qu’un enfant, un charmant enfant au visage doux et timide, qui attachait sur le château un mélancolique regard.

L’enfant, lui aussi, se croyait seul. Il s’approcha de la muraille, et s’appuya d’un air distrait à la poterne.

— Si je ne la retrouvais pas ! murmura-t-il.

Puis, avec la versatilité de son âge, il donna sans doute son esprit à d’autres pensées, car une subite gaieté vint épanouir sa lèvre, et il se mit à chanter le fameux pot-pourri morbihannais dont le second couplet termine notre dernier chapitre.

C’était Janet Legoff qui courait le pays, à la recherche de sa jeune dame.

Lorsque Mme de Thélouars vint à la meurtrière, et prononça son nom pour la première fois, Janet saisit seulement un bruit vague et inarticulé, car les parois de la meurtrière, disposées en entonnoir, arrêtaient le son au passage, et le rejetaient à l’intérieur ; la seconde fois il entendit tout à fait, mais, à cause de l’acoustique que nous venons de mentionner, il ne reconnut point la voix de sa maîtresse, et regarda tout autour de soi en disant :

— Qui m’appelle ?

À ce mot, nos deux factionnaires tressaillirent. Ils se cru-