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LE MÉDECIN BLEU.

sous une apparence de froideur, était affolé par la fièvre du combat et frappait avec frénésie ; René, sans espoir de vaincre, voulait du moins mourir vengé ; c’était un duel à mort qui allait avoir lieu.

Mais à l’instant où les sabres se croisaient, cherchant un passage, et menaçant à la fois la poitrine des deux assaillants, un homme se précipita entre eux :

— Bas les armes ! s’écria-t-il d’une voix brisée.

Et, en disant ces mots, il tomba pesamment sur la mousse de la forêt.

La lune, à ce moment, se faisant jour au travers des hauts chênes, tomba d’aplomb sur nos trois personnages.

Les deux Saulnier se reconnurent et jetèrent leurs sabres. René se mit à genoux.

— Voilà donc où tu en devais venir ! s’écria le médecin bleu avec amertume.

— Taisez-vous un petit moment, monsieur Saulnier dit l’homme qui avait mis fin au combat ; — me reconnaissez-vous ?

— Jean Brand ! s’écrièrent en même temps le père et le fils.

— En propre original !… approchez vous, docteur, car je sens que je m’en vais…

— Êtes-vous donc blessé ? interrompit Saulnier.

— Mieux que cela ; docteur, et tous vos remèdes n’y feraient rien… ainsi donc, écoutez-moi. Je vous ai sauvé la vie hier…

— Je le sais.

— Ne m’interrompez pas… Or, si je vous ai sauvé la vie, ce n’était pas par tendresse pour vous, monsieur Saulnier, car je vous ai toujours détesté du mieux que j’ai pu… c’était