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LES CONTES DE NOS PÈRES.

— Entrez, madame ma nièce, répéta le vieillard.

Henriette, plus morte que vive, descendit en chancelant ces marches glissantes qui exhalaient comme une odeur de tombeau. M. de Graives barricada fortement la porte derrière lui, et descendit à son tour.

— Pour nous découvrir, murmura-t-il, il faudra démolir le château ; mais on le démolira… non point peut-être pour massacrer une femme et un vieillard : la peine passerait le plaisir ; mais parce que leur âme est avide, et qu’ils savent suivre, à travers les décombres, la piste égarée d’un trésor !

Henriette écoutait, tremblante, ces paroles qui ne lui étaient point destinées. Au bas de l’escalier, le marquis ayant tiré un panneau tournant qui donnait, presque de plain-pied, sur une chambre basse, la jeune femme y entra et s’affaissa aussitôt, épuisée, sur un siége.

La pièce où se trouvèrent ainsi nos deux fugitifs avait été récemment munie de tout ce qui est nécessaire pour soutenir un blocus. Il y avait des vivres en abondance, de l’eau, et de l’huile pour la lampe. Évidemment le marquis n’avait point été pris au dépourvu. Quant à la pièce elle-même, c’était une sorte de trou rond, bas-voûté, ménagé dans l’épaisseur plus qu’ordinaire de la muraille orientale du château. Une meurtrière, en forme d’entonnoir, permettait au malheureux forcé d’habiter ce cachot de respirer par rares bouffées l’air pur du parc. C’était, en effet, sur le parc, et même sur l’endroit le plus ombreux du parc, que donnait la meurtrière. À l’extérieur, elle se trouvait cachée par le branchage des arbres.

M. le marquis de Graives déposa sa lampe sur une table, et jeta autour de lui un regard presque satisfait. Ce regard annonçait une détermination si profonde, et à la fois si dé-