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LE MÉDECIN BLEU.

des Chouans était une jeune fille de treize ans, belle comme on ne vit jamais de beauté, et plus intrépide que le plus brave de ses soldats.

Et comme Sainte, dans sa naïve curiosité, s’informait de son nom, on lui répondait, avec l’emphase propre aux paysans de la haute Bretagne :

« Des gens l’ont connue et fréquentée, qui n’étaient pas dignes de dénouer les cordons de ses souliers ; ceux-là l’appelaient Marie Brand, mais son vrai nom est mademoiselle de Sourdéac, marquise d’Ouëssant, dame de Rieux, d’Acérac et de Châteauneuf-de-la-Mer ! »

Sainte s’émerveillait de ces récits, mais elle n’avait garde d’envier le sort brillant de son ancienne compagne. Elle se souvenait des paroles du bon prêtre et n’ambitionnait point d’autre rôle que celui que l’abbé de Kernas lui avait autrefois tracé en trois mots : paix, conciliation et pitié. Comme elle aimait encore Marie, et que Marie était en péril, elle unissait, dans sa prière de chaque jour, son nom à ceux de René et de son père.

Un jour, il y avait longtemps que le médecin bleu n’était venu à la cabane. Sainte revenait de la forêt où s’était dirigée sa promenade solitaire, lorsqu’un fracas soudain retentit derrière elle : c’était le bruit d’une vive fusillade. Elle tourna la tête et vit une cinquantaine de Chouans franchir le talus du chemin et s’enfuir, poursuivis par un nombre double de républicains. Ils passèrent rapidement auprès d’elle.

— Voici un otage ! s’écria l’un d’eux : saisissons la fille du médecin maudit !

Mais les fuyards étaient presque tous des gens de Saint-Yon. Ils passèrent, et plusieurs même soulevèrent leur chapeau en disant :