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LES CONTES DE NOS PÈRES.

de la traiter comme votre fille, et surtout de ne point aller à Redon.

Saulnier se prit à réfléchir.

À ce moment, on entendit ouvrir la porte extérieure du château, et les pas d’un cheval retentirent sur le pavé de la cour.

L’hésitation du docteur ne dura pas longtemps.

— Ni l’un ni l’autre, répondit-il. En sortant d’ici, le premier acte de ma liberté sera de partir pour Redon.

— Voilà qui est parler, murmura Jean Brand.

Le prêtre haussa les épaules en soupirant.

— En outre, poursuivit Saulnier, je ne souffrirai jamais que le toit qui abrite ma fille soit souillé par…

— Silence ! s’écria Brand d’une voix menaçante.

— Silence, en effet, maître Saulnier, dit M. de Vauduy, perdant tout à coup son ton de froideur ; si j’ai deviné ce que vous alliez dire, vous feriez bien de recommander à Dieu votre âme avant d’achever tout haut votre pensée.

L’ancien curé de Saint-Yon s’approcha de nouveau du docteur.

— Monsieur Saulnier, dit-il, nous étions autrefois amis, et j’espère que vous m’avez gardé votre estime ?

— Mon estime et mon amitié, citoyen Kernas, dit le docteur en lui tendant la main.

— Eh bien, reprit le prêtre, ayez égard à ma prière ; consentez à rester neutre dans ces tristes combats et à donner asile à Marie Brand.

Avant que le docteur eût pu répondre, il se fit un léger bruit à la porte : personne n’y prit garde.

— Jamais ! s’écria le citoyen Saulnier ; je suis républicain, je servirai la république jusqu’à la mort.