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LES CONTES DE NOS PÈRES.

et protégé en outre par huit tourillons qui flanquaient, deux à deux, chacun des quatre angles de ses ailes. Au-dessus de la grand’porte, l’écusson avait été gratté et remplacé par une couche de badigeon : c’était la seule marque qu’y eût laissée le passage des cohortes républicaines.

À l’heure où Sainte reprenait, seule, le chemin de la maison de son père, il y avait trois personnages rassemblés dans le grand salon du manoir. Assis dans un vaste fauteuil, sous le tablier de la cheminée, Jean Brand, en costume de paysan, les deux pieds sur les chenets, causait avec M. de Vauduy à voix basse. Le riche gentilhomme et le pauvre villageois semblaient se traiter d’égal à égal, et souvent les opinions du premier étaient rudement repoussées par le second. Le troisième personnage portait un large chapeau rabattu sur les yeux, et tout son costume disparaissait sous le manteau qui le couvrait complètement. Étranger à la conversation, il arpentait lentement la salle et s’arrêtait seulement de temps à autre devant quelqu’un des vieux portraits de famille qui s’alignaient en cordon le long des hauts lambris.

Tout à coup, sans qu’aucun des domestiques eût annoncé la venue d’un étranger, trois coups retentirent à la porte.

— Ce ne peut être que le docteur, murmura précipitamment M. de Vauduy.

— Que le diable le confonde ! s’écria Jean Brand, qui se leva aussitôt, et, mettant le bonnet à la main, se hâta de prendre l’humble posture qui semblait lui convenir.

L’homme au manteau enfonça davantage son chapeau sur son front, et se glissa dans une embrasure.

Au même instant, et avant que M. de Vauduy eût pris le temps de dire : « Entrez ! » la porte s’ouvrit. Le médecin bleu parut sur le seuil.