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LE PETIT GARS.

contre son cœur ; puis encore, sans dire une parole, elle sortit en courant pour retourner auprès de son oncle et lui demander conseil.

M. le marquis de Graives avait péremptoirement répété à ses gens l’ordre de quitter le château sur l’heure. Ceux-ci, habitués à obéir quand même, firent à la hâte leurs préparatifs, et s’enfuirent, entraînant avec eux Marguerite, qui voulait attendre sa maîtresse, et pleurait à la pensée de l’abandonner.

Henriette, pendant cela, perdue dans les sombres couloirs du château, ne pouvait retrouver sa route. Elle entendit s’ouvrir, puis se refermer les lourds battants de la grande porte sur les habitants de Graives qui fuyaient. Son cœur se serra davantage. Elle s’appuya, tremblante, à la muraille d’un corridor inconnu ; ses yeux se remplirent de pleurs amers, et, pour la première fois, ce fut avec angoisse qu’elle baisa le front de son fils endormi.

Comme elle hésitait, ne sachant de quel côté reprendre sa course, une des extrémités du corridor s’illumina subitement. Henriette aperçut M. le marquis de Graives qui s’avançait avec lenteur, une lampe à la main. Le vieillard avait revêtu un somptueux costume militaire ; sa poitrine, couverte de décorations, scintillait au loin, et renvoyait en gerbes multicolores les rayons brisés de la lampe. Il avait sous le bras une petite cassette, sa main gauche tenait une épée nue, et deux riches pistolets étaient passés à sa ceinture.

Il se croyait seul, et ne voyait point Henriette qui se collait immobile à la muraille. En ce moment où nul regard indiscret ne pouvait épier sa physionomie, M. le marquis de Graives n’était certes point suspect de jouer un rôle. Il