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LES CONTES DE NOS PÈRES.

lendemain et la nuit du lendemain ; le jour suivant, il resta encore ; puis des semaines se passèrent, et il restait toujours. À l’aide de la bourse de Jouvente, il avait acheté, en la ville de Saint-Malo, des habits de noble homme, et le manuscrit latin dit que, sous ce nouveau costume, on eût difficilement trouvé plus fière mine que la sienne, depuis l’embouchure de la Rance jusqu’à sa source. Il avait vu du pays et savait le monde, ce qui rendait sa conversation pleine d’attraits. Rostan l’écoutait durant de longues heures sans fatigue et sans ennui ; Nielle surtout dévorait avidement les récits de galanterie ou de guerre que savait si bien faire l’étranger. La bouche demi-ouverte, l’œil fixé sur le beau visage de Robert, elle donnait son âme entière à ses émouvantes paroles. Sa naïve intelligence s’exaltait aux poétiques tableaux du conteur ; son cœur se passionnait pour ces héros d’amour qui, dans toute honnête légende, enlèvent de douces recluses, injustement enchaînées et fiancées à de détestables tyrans.

— Que ne puis-je ainsi vous donner ma vie, Nielle ? disait Jouvente à la fin de ces récits.

Mais Nielle ne trouvait point à Jouvente un air suffisamment chevaleresque ; elle l’aimait d’une amitié de sœur et le considérait comme son futur époux. Là se bornait son obéissance aux volontés de son père. Cette fine fleur de tendresse qui est au fond du cœur de toute jeune fille, ce n’était point Jouvente qui devait la cueillir.

Il était bien heureux, pourtant. L’année qui sépare les fiançailles du mariage suivait son cours ; encore quelques mois, et Nielle serait sa femme !

Avant cette époque, il arriva deux événements au manoir. D’abord, le vieux Rostan du Bosc rendit son âme à Dieu,