Page:Féval - Les contes de nos pères, 1845.djvu/235

Cette page a été validée par deux contributeurs.
205
JOUVENTE DE LA TOUR.

était pâle, sa voix chevrotait et sa tête chauve oscillait lentement.

— Ma fille, dit-il. Dieu m’a donné de longs jours et je l’en remercie, car tu n’as plus de mère et j’ai veillé sur toi… Mais la vie me quitte enfin et il te faut un autre protecteur.

Nielle ne répondit point ; elle saisit la main de son père qu’elle pressa sur sa bouche en pleurant.

— Il faut te marier, ma fille, reprit le vieillard.

— Je veux rester avec vous, mon père, avec vous toujours !

Le vieillard secoua sa tête chenue.

— Toujours ! répéta-t-il en souriant tristement : — c’est bien long à ton âge, ma fille ; au mien, c’est un mois, une semaine, une journée peut-être…

— Non ! oh ! non ! murmura Nielle dont les sanglots étouffaient la voix.

Rostan lui mit au front un baiser et poursuivit :

— Il te faut un époux dont le bras fort remplace mon bras qu’ont affaibli les années… Réponds, ma fille : n’as-tu point choisi déjà, dans ton cœur, l’homme dont tu voudrais être la compagne ?

— Jamais je n’y ai songé, mon père.

— N’as-tu point remarqué que Jouvente de la Tour est beau et bien fait ?

— On dit qu’il a le cœur noble et bon, mon père.

— On le dit, ma fille… Ne voudrais-tu point être la femme de Jouvente de la Tour ?

Nielle rougit, puis elle essaya de sourire ; elle eût voulu éluder cette explication dont le début avait été si douloureux, mais Rostan du Bosc répéta sa question d’une voix