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FORCE ET FAIBLESSE.

tesse, peut-il rendre à Mauguer l’honneur qu’il vient de lui ravir.

— L’honneur ! répéta Reine interdite ; — il s’agit de votre liberté, monsieur… Et, au nom du ciel ! ajouta-t-elle, ne pouvant soutenir plus longtemps ce rôle glacial ; — ne me parlez pas ainsi Bertrand !… Que vous ai-je fait ? Qu’avez-vous depuis hier ?

— Depuis hier ! murmura le capitaine, dont tout le cœur s’élançait vers Reine : — oh ! je suis bien malheureux depuis hier, mademoiselle !

— Tout peut être réparé… commença Reine.

— Non ! dit Bertrand.

Et comme Mlle de Montméril le couvrait de son regard perçant et doux, regard d’ange auquel on ne résistait point, il courba la tête afin de fuir l’enivrement qui montait de son cœur à son cerveau. Sa piété fraternelle aux abois fit un dernier effort.

— Non, répéta-t-il, sans relever les yeux ; — mais vous parliez de liberté ?…

— Je viens pour vous sauver, ne le devinez-vous point ? Dans un quart d’heure, les postes vont être relevés : les sentinelles sont gagnées…

— Dites-vous vrai ? interrompit le capitaine avec vivacité.

— Tout est prêt ! répondit Reine. Des chevaux attendent au dehors.

— Il sera donc sauvé ! s’écria Bertrand, dont l’œil se releva fier et brillant.

L’amour était vaincu de nouveau. Son héroïque abnégation avait le dessus. Reine ne comprenait point.

— De qui parlez-vous ? demanda-t-elle.