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FORCE ET FAIBLESSE.

de sueur et de sang, il allait par les rues et demandait à tout passant des nouvelles de son frère qui n’avait pas paru au combat.

Les passants répondaient que Roger de Saint-Maugon était sans doute à son poste ; quelques-uns disaient qu’il était prisonnier des rebelles, et il se trouva un bourgeois, de ceux qui sortaient de leurs caves, pour affirmer que lui, bourgeois, avait sauvé la vie au cadet de Saint-Maugon en mettant à mort deux douzaines de paysans. — N’avons-nous pas vu, il y a treize ans, d’autres bourgeois piper des places et des rubans à l’aide de mensonges analogues.

Bertrand, dévoré d’inquiétudes, interrogeait toujours.

Enfin, l’un de ses camarades, qu’il rencontra, le força d’entendre le récit de la trahison qui entachait l’honneur du régiment de la couronne.

Au nom du père de Reine, Bertrand pâlit, et un funeste soupçon lui traversa le cœur. Il remit son cheval au galop, et poussa vers la Tour-le-Bât.

Le terre-plein était désert ; mais en pénétrant dans le corps de garde, Bertrand se trouva face à face avec son frère qui le regarda d’un œil fixe et affolé.

— Ce n’est pas toi ! s’écria Bertrand ; dis-moi que ce n’est pas toi qui as trahi !

Roger demeura muet ; Bertrand, l’âme navrée, s’assit auprès de lui.

— Frère, reprit-il d’une voix suppliante, ce n’est pas toi, n’est-ce pas ?

Même silence.

Un éclair d’indignation brilla dans l’œil de Bertrand.

À ce moment on entendit au dehors la voix des officiers qui s’entretenaient vivement et se disaient :