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LES CONTES DE NOS PÈRES.

avec le fort Saint-Georges, servait au besoin de prison de guerre.

C’était là qu’on avait déposé les cent paysans faits prisonniers à la dernière rencontre.

Le soleil venait de se lever et dispersait capricieusement toutes les nuances du prisme sur les prés humides qui séparaient la tour de la rivière. Roger de Saint-Maugon, assis sur l’appui du rempart, donnait son âme entière aux récents souvenirs du bal de monsieur le lieutenant de roi. Plongé dans ce demi-sommeil qu’impose la fatigue, il voyait passer devant ses yeux Reine, qui lui souriait doucement, puis son frère, triste, morne, vaincu.

— Il se croyait aimé ! murmurait alors le cadet de Saint-Maugon. Pauvre Bertrand !

Les voix des sentinelles, qui refusaient passage à un étranger, le jetèrent brusquement hors de son rêve. Cet étranger était de grande taille. Son chapeau rabattu ne permettait point de voir ses traits, et le reste de sa personne disparaissait sous les plis abondants d’un vaste manteau.

— Monsieur de Saint-Maugon, cria-t-il de loin, je viens à notre rendez-vous.

— Le président de Montméril ! pensa Roger, qui avait oublié cette circonstance.

Puis il ajouta tout haut :

— Laissez passer !

Les soldats baissèrent leurs mousquets et s’écartèrent. Le président traversa lentement le terre-plein, et vint se poser en face de Roger.

— Merci, dit-il.

Son regard inquiet fit le tour du terre-plein, mesura la distance qui le séparait des sentinelles, comme s’il eût voulu