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LES CONTES DE NOS PÈRES.

galerie. Roger l’aperçut. Cette vue, au lieu d’attiser sa colère, mit une larme de repentir dans ses yeux.

— Peut-on ne la point aimer ! se dit-il ; — pauvre frère !

Tandis que Reine passait, Roger, le cou tendu, l’œil grand ouvert, la couvrait de son regard fixe. Quand elle eut disparu à l’angle de la galerie, Roger se leva et fit quelques pas en chancelant. Il voulait chercher son frère, lui parler, l’interroger, savoir…

Son frère n’était plus au bal, mais, en le cherchant, il se trouva bientôt face à face avec Reine qui le reconnut, rougit, et ne parut point prendre souci de cacher son émotion. Roger l’aborda. Reine était parfaitement remise de cette attaque de mélancolie qui l’avait prise au commencement de la nuit. Il lui restait seulement un peu de rancune contre Bertrand, ce qui, naturellement, fut tout profit pour Roger. Mademoiselle de Montméril voulut bien se souvenir, en effet, des belles fêtes de Nantes et des longs entretiens qu’elle avait eus avec le cadet de Saint-Maugon. Celui-ci était transporté. Il se croyait aimé. Il en venait parfois à plaindre son frère dont Reine, pour cause, ne disait pas un mot. Elle n’avait garde. Le charmant abandon qu’elle montrait à Roger était peut-être une petite vengeance à l’adresse de Bertrand. Parler de ce dernier, c’eût été montrer son dépit ; — or, fi donc !

Tout prend fin, hélas ! les choses qui plaisent, surtout, ne durent point. Roger fut forcé bientôt de donner le baise-mains et de se retirer.

Il avait épuisé son contingent de joie pour cette nuit. Pendant tout le reste du bal, il erra dans les salons, tâ-