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LES CONTES DE NOS PÈRES.

froide courtoisie. Cela fait, sans gêne aucune et sans affectation, il se mêla aux groupes des invités.

Quant à mademoiselle de Montméril, elle fit aussi sensation ; mais non point de la même manière. Sa vue mit dans le cœur des femmes le dépit et l’envie ; au cœur des hommes elle fit naître, comme toujours et partout dès qu’elle se présentait, une admiration sans bornes. Bertrand et Roger avaient raison tous les deux : c’était bien la plus belle !

Elle avait dix-huit ans : sa taille haute et flexible gardait de la fierté dans sa grâce ; elle marchait de ce pas correct et majestueusement naturel que ne peuvent point imiter les comédiennes affublées d’un rôle de vierge noble. Son front pur s’encadrait de boucles blondes qui ondulaient, élastiques et molles, jusqu’à la naissance de ses épaules, chastement voilées. Son œil, d’un bleu obscur, pensait et parlait ; sa bouche sérieuse savait sourire, et l’ovale exquis de son visage semblait emprunté aux tableaux de ces peintres d’Italie qui voyaient Marie et les anges dans les saintes extases de leur génie. Tout était beau dans cette belle fille ; son nom même lui était une parure ; elle s’appelait Reine.

Roger l’avait vue à Nantes, où M. de Montméril avait fait un voyage au commencement de l’hiver, pour s’entendre avec les mécontents de Clisson. Le cadet de Saint-Maugon, jeune, ignorant la vie, fougueux et faible à la fois, fut pris d’une de ces passions subites et accablantes qui croissent seulement au cœur des adolescents. Il aima Reine ardemment et sans mesure ; cet amour fut plus fort que sa timidité, il balbutia des mots de tendresse, et ne fut point repoussé.

Qui pourrait dire où s’arrête la légèreté, où commence la coquetterie ? Reine écouta Roger. Il était beau, et puis il