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FORCE ET FAIBLESSE.

en dot à l’étranger. Ces esprits ont tort dans tel cas donné ; leur révolte est peut-être condamnable ; mais, de toutes les révoltes, n’est-ce point celle-là qui se peut le plus naturellement excuser ?

Quoi qu’il en soit, quand la Bretagne s’insurge, ce n’est pas pour un jour, d’ordinaire, et ce n’est jamais tout à fait en vain. La révolte dont nous parlons, soutenue en quelque sorte par la résistance des états aux volontés souveraines de Louis XIV, fut souvent redoutable, et empêcha plus d’une fois de dormir les ministres du grand roi. En 1683, elle avait subi une recrudescence soudaine, et quelques jours avant le bal du marquis de Poulpry, on avait vu, aux portes mêmes de Rennes, une manière de bataille. Les paysans s’étaient retirés laissant une centaine de prisonniers aux gens du roi ; mais ils avaient promis de revenir, et Dieu sait qu’ils tenaient toujours les promesses de ce genre. Les captifs avaient été enfermés à l’ancien château ducal de la Tour-le-Bât, où l’on faisait bonne garde aux portes de la ville.

On doit penser que, dans ces circonstances extrêmes, il y avait, de la part de M. de Montméril, suspect de connivence avec les insurgés, une téméraire audace à venir braver jusqu’en son hôtel le représentant de l’autorité royale. Aussi son nom, prononcé, provoqua dans l’assemblée un chuchotement général et d’augure équivoque. Tous les yeux se fixèrent à la fois sur lui. C’était un vieillard de haute taille, à la physionomie sévère et dont le caractère principal indiquait une inflexible détermination. Il ne parut point prendre garde à l’émotion de la foule, et s’avança d’un pas lent et grave vers le marquis de Poulpry, qu’il salua avec une