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LES CONTES DE NOS PÈRES.

de galanterie, monsieur le capitaine, et nous serons sévère à notre tour — Fi ! vous êtes bien curieux !

— Je confesse ma faute… Ce nom-là ne se dit point… Moi-même…

— Es-tu donc amoureux, toi aussi ? interrompit en riant Roger.

Bertrand fit un grave signe d’affirmation.

— Tant mieux ! s’écria Roger ; en cela, du moins, nous nous comprendrons. Nous parlerons d’elles. Il ne faut point te méprendre, frère ; je n’aime point, comme je fais tout le reste, à la légère et en riant…

— Tant pis ! prononça involontairement le capitaine.

— Pourquoi ? elle est noble, riche, belle…

— T’aime-t’elle ?

— Je le crois… Elle sait que mon cœur est tout à elle… Souvent j’ai cru lire dans son sourire un aveu…

— Les sourires sont trompeurs, mon frère.

Roger devint triste ; ses traits prirent une expression de pitié.

— Serais-tu malheureux en amour ? demanda-t-il.

— Non, répondit Bertrand.

— C’est que tes paroles… Mais je suis fou ! la femme que tu aimes doit être fière en effet. Celle-là sera heureuse entre toutes.

— S’il ne faut pour cela que l’aimer, elle sera heureuse, mon frère, car je l’aime.

— C’est comme moi.

— Je l’aime plus que femme ne fut jamais aimée… Elle est si belle !

— Oh ! pas plus belle que la mienne ! s’écria vivement Roger.