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LES CONTES DE NOS PÈRES.

— Je suis un soldat, frère, dit-il. Mais toi… tu as bruni, Bertrand. Comme tu sais bien porter ta moustache ! Sur ma foi, je parie qu’il n’y a pas un autre officier du régiment de la couronne qui soit de moitié aussi beau que toi.

Et Roger contemplait avec une admiration naïve le mâle visage du capitaine. Celui-ci souriait doucement et passait sa main dans les blonds cheveux de l’enseigne. C’était un tableau gracieux et touchant : rien n’est saint, rien n’est suave comme les joies de la famille.

Ils s’arrêtèrent dans une salle de moyenne grandeur, où Hervé Mauguer avait coutume de recevoir ses hôtes. Tous deux se découvrirent devant le portrait de leur père, tous deux dirent un Ave au fond du cœur pour le salut de la dame de Saint-Maugon, dont le doux regard semblait encore leur sourire sur la toile du cadre sculpté. Puis ils s’assirent, bien près l’un de l’autre, sous un trophée d’armes surmonté de l’écusson de Mauguer, qui est « d’or au massacre de sable, chevillé de dix cors. »

Leurs mains étaient enlacées, ils se parlaient du regard avant d’ouvrir la bouche, et leurs yeux disaient tout le bonheur qu’ils éprouvaient à se revoir.

— Six mois ! c’est bien long, frère, dit enfin Roger : si M. de Gadagne, notre colonel, ne m’eût rappelé à Rennes, je crois que j’aurais quitté mon poste pour venir t’embrasser.

— Toujours étourdi comme autrefois, et toujours bon ! répliqua Bertrand. Et, dis-moi, qu’as-tu fait durant cette longue absence ?

— Bien des choses, frère. Il y a de nobles fêtes à Nantes, et les jeunes gentilshommes du Nantais tirent volontiers l’épée…