Page:Féval - Les contes de nos pères, 1845.djvu/131

Cette page a été validée par deux contributeurs.
113
LE VAL-AUX-FÉES.

Addel se redressa tout à coup. Ses traits étaient contractés ; son œil brûlait de colère.

— À quoi bon cette comédie ? prononça-t-il durement.

Deux larmes roulèrent sur la joue pâlie de Rachel.

— Quoi ! dit-elle avec désespoir, vous doutez de moi, monseigneur ?

— Je ne doute point : je suis sûr… De par Dieu ! tout cela était merveilleusement combiné ; et le juif, votre père, vous doit des éloges… Cinq jours me restaient, cinq jours qui, pour moi, étaient plus précieux que tout le reste de ma vie. J’allais partir et les mettre à profit. Vous m’avez arrêté. Abusant du fol aveu que je croyais faire à une étrangère, vous avez calculé ce que pouvait encore sur mon cœur cet amour insensé qui m’a fait déserter mon poste de chrétien. Vous m’avez endormi par un mensonge, tandis que vos caresses décevantes enchaînaient ma volonté comme un charme maudit…

— Grâce ! grâce ! disait Rachel à genoux.

— Arrière ! s’écria le comte avec un éclat de voix ; — vous m’avez volé cinq jours, mais il me reste six heures. Dans six heures, un bon cheval peut aller à Rennes et en revenir. Avant la nuit, je serai de retour, avec l’or et avec une épée… Oh ! tout n’est pas dit encore, femme ; je reconnais la main du juif dans cette trame dont vous n’êtes que l’instrument perfide, et si je ne puis rentrer ce soir, à l’aide de l’or, dans le château de mon père, demain j’y rentrerai par le fer.

Rachel se sentait défaillir.

— Écoutez-moi, murmura-t-elle ; ayez pitié !…

Mais Addel, trompé par une apparence qui avait frappé