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l’aimait à cet horrible point qu’il avait songé un instant à la broyer sous cet arrêt de la cour de Caen qui pesait toujours sur sa tête !

Il l’aimait jusqu’à pleurer, lui, le baron Schwartz, quand il était tout seul et entouré de terreurs dans son cabinet où tant d’or avait ruisselé. Les menaces, les accusations, à de certains moments, se dressaient autour de lui comme un cercle infranchissable : il était bigame ; il était, de par un mensonge que soudait fatalement un atome de vérité, le caissier, le complice d’une association de bandits ; seize années de labeurs intelligents, probes dans la mesure des candeurs industrielles, rigoureusement irréprochables, selon la morale d’or, quinze années de conceptions qui n’étaient ni sans utilité pour son pays, ni sans grandeur au point de vue du progrès matériel de tout un peuple, pouvaient être transformées, comme le lait de nos fermiers parisiens, pur aussi devant la clémence des inspecteurs, tourne et se corrompt au contact empoisonné d’un acide, transformées en cinq lustres de méfaits, couronnés par un succès impudent. Une fois attaché le grelot qui tinte le glas de la confiance publique, malheur au triomphant d’hier ! Ses vertus deviennent crimes en un tour de main, ses vaillances félonies ; il y a une meute pour lui courir sus, une meute de chiens qui n’est pas sans mélange de loups, et vous savez l’histoire de la maison de jeu, l’histoire éternelle où le triste grec, pris la main dans le sac, est obligé de rendre à l’honnête assemblée tout ce qu’il a gagné avec tout ce qu’elle n’a point perdu !

Le baron Schwartz avait vu bien des exécutions de ce genre, il savait son époque, il connaissait son Paris d’argent, aucune illusion ne fardait pour lui le danger, et cependant il eût passé franc, tête haute, brandissant