Page:Féval - Les Cinq - 1875, volume 2.djvu/209

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Impossible ! je suis de planton.

— Voulez-vous me prévenir si les papiers quittent la maison ?

— Ça, volontiers ; mais le patron ouvre l’œil, je ne veux ni parler ni écrire. Vous voyez bien ce pot de géranium sur la fenêtre. Tant qu’il restera là, vous pouvez être sûre que les papiers sont dans la caisse. S’il disparaît, les papiers seront envolés.

Charlotte plia sa lettre et n’y mit point d’adresse.

Joseph Chaix, l’attendait sous le bosquet ; elle lui dit :

— À Ville-d’Avray, chez Mme Marion ! Zonza a dix minutes d’avance sur vous, gagnez-les. Si M. Chanut est là-bas, la lettre est pour lui ; à son défaut, elle est pour M. Preux. Si M. Preux n’y était pas par impossible, donnez la lettre à Mme Marion elle-même !

Une demi-heure s’était écoulée. Édouard Blunt, qui était toujours à son poste, entendit le pas léger de Charlotte dans le corridor.

— J’ai réussi, dit-elle, je sais tout ce que je voulais savoir.

— Moi, répondit le jeune homme, je sais ce que j’aurais voulu ignorer. Il y a du sang aux mains de celui que vous appelez mon père.

Mlle d’Aleix lui serra le bras et répliqua tout bas :

— Vous êtes son fils et son juge : vous seul avez ici droit de pardonner.

Édouard voulut parler, elle lui ferma la bouche et, sans le prévenir, elle toucha la cloison qui séparait l’entre-deux de la chambre des portraits.