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poisson dans une nasse, n’essaierait même plus de se défendre.

Et enfin, elle devinait que ce malheureux homme, inutile désormais comme une sacoche vide ou une grappe dont le pressoir a exprimé tout le jus, était condamné à disparaître : le voyage de Londres ne devait pas avoir d’autre but.

En ceci, Charlotte se trompait. Dans la pensée du fidèle Pernola, son bien-aimé cousin et maître n’était même pas destiné à aller jusqu’à Londres.

Quand Pernola sortit du pavillon, il avait la tête haute. Ces reliques qu’il portait lui donnaient un légitime orgueil. Quelque chose en lui disait : « Je vaux dix fois mon pesant d’or ! »

Il se dirigea vers l’hôtel d’un pas qui n’était plus le sien, tant il avait de majesté. Charlotte aurait donné beaucoup pour tenir dans sa poche l’anneau des contes de fées qui rend invisible. À défaut de talisman, elle avait son courage. Glissant d’arbre en arbre le long de la grande avenue, elle suivit Pernola, sans être aperçue, jusqu’aux abords du perron.

Devant le perron se trouvaient plusieurs voitures alignées ; un groupe de laquais galonnés stationnait au bas des marches. Mlle d’Aleix reconnut avec étonnement les livrées de Comnène, de Lusignan, de Courtenay et de Rohan.

Au lieu de traverser les parterres, elle les tourna et resta cachée derrière les buissons, se rapprochant de la maison autant que le lui permettait le dessin des massifs.