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qu’elle ne pût rien obtenir pour son argent, prodigué pourtant sans mesure. Pas de mari, pas d’enfants, pas d’amis, pas de serviteurs et pour compagne une ancienne servante.

Du moins, pouvons-nous dire que Savta était étrangère à toutes les énormités qui se commettaient à l’office, et dévouée à ses maîtres dans la mesure de son intelligence bornée. Elle se regardait responsable de Charlotte comme la bonne qui mène promener les enfants. Elle eût certainement risqué sa vie pour empêcher sa princesse d’être écrasée par un omnibus.

Elle « représentait » assez bien, du reste ; elle portait avec convenance le sévère costume des duègnes. Elle mangeait beaucoup, dormait davantage et faisait des « réussites » pour Domenica, insatiable d’oracles : on aurait pu tomber encore plus mal.

— Princesse, dit-elle après avoir tourné le coin de la bâtisse, le comte Pernola serait un bon mari, certainement.

— Crois-tu ? demanda Charlotte.

— Hier au soir, il m’a donné des étrennes en me recommandant de ne dire à personne que je vous ai conduite à la maison du Marais, où est le blessé.

— Et qu’as-tu répondu, ma bonne ?

— J’ai répondu : grand merci.

— Tu as bien fait. As-tu dit l’adresse ?

— Je ne regarde jamais ni les rues ni les numéros.

Elles poursuivirent leur route en silence. D’un côté, c’était le mur du parc, de l’autre, les derrières d’un couvent. Quand le boyau s’élargit, laissant voir les ma-