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joie avait quelque chose de si étrange, que Phatmi resta bouche béante à la contempler, se demandant quelle mystérieuse bénédiction avait passé sur son maître.

Il dit tout à coup comme s’il eût voulu modérer lui-même son triomphe :

— Je ne prétends pas que l’épreuve soit décisive au point de vue scientifique, non.

Puis, s’interrompant, il ajouta, soulevé par un enthousiasme irrésistible :

— Mais c’est le jugement de Dieu ! j’avais dit à Dieu : Soyez juge !

M. de Sampierre avait peine à contenir la joie qui débordait hors de lui ; il étendit la main au-dessus du souriant sommeil de Domenica et une ardente bénédiction s’exhala de ses lèvres.

Phatmi essayait de comprendre.

Elle regardait les yeux de son maître, brûlants et brillants qui suivaient la marche de l’aiguille sur le cadran de la montre.

— Il faut me pardonner, princesse, reprit le marquis en s’adressant à sa femme endormie et d’une voix profonde où les larmes tremblaient : je n’ai pas encore trouvé le chemin de votre cœur. Je chercherai. Ce sera l’œuvre unique de ma vie. Je suis jaloux parce que je vous aime, parce que vous ne m’aimez pas. Je ne l’ai dit qu’à un seul être au monde, c’est un de trop. Mon cousin Battista s’éloignera, je le veux… je le hais ! Qu’ai-je besoin de lui, si désormais vous êtes là, près de mon cœur ?…

Phatmi fit un mouvement, il se retourna vers elle ;