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Pernola sembla faire effort sur lui-même.

— Je ne demanderais rien de plus, à votre place, murmura-t-il. Nous en ayons assez dit… Nous en avons trop dit !

— À notre tour, mesdames ! s’écria la Russe. Soyons victorieuses dans ce combat de générosité : Je m’exécute.

Elle portait justement le voile des almées, et comme elle était de taille avantageuse, on aurait très-bien pu dissimuler un bel homme sous son costume. En un tour de main, elle rejeta ses draperies et découvrit gaiement son visage qui n’y perdait rien.

Les autres l’imitèrent avec plus ou moins d’empressement, selon leur âge. Il vient une saison où l’on est en vérité très-bien sous un masque, on s’y plaît, on y veut rester. Il y a là des souvenirs attendris, des rêves remontants, toute une provision de chers fantômes qui ne se peuvent évoquer ailleurs et qu’on laisse échapper à regret.

Vous qui vivez dans le passé, voulez-vous tenter une curieuse épreuve ? Placez-vous devant un miroir, mettez un domino pour que la taille ne proteste pas et regardez-vous à travers les yeux d’un masque, vous reverrez votre figure de vingt ans.

Mais, malgré tout, les dames à dominos et à costumes décevants s’exécutèrent d’assez bonne grâce. Il ne resta pas un seul loup dans le salon.

Le comte Pernola salua de nouveau et son regard d’émerillon parcourut d’un temps l’assemblée. Vous n’auriez point su dire s’il était content ou fâché du résultat de son rapide examen.